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La protection du conjoint dans le logement de famille

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La protection du conjoint dans le cadre du logement de famille, réglée par le Code suisse des obligations (ci-après : CO), a pour but d’offrir une protection et une sécurité particulière en cas de résiliation du contrat de bail par le bailleur, mais également par le locataire principal (titulaire du bail).

La notion de logement de la famille se retrouve en droit du bail, en premier lieu, aux articles 266m et 266n du CO traitant de la fin du bail à loyer et de la forme du congé et, en second lieu, à l’article 273a CO dans le cadre d’une contestation du congé à l’encontre du bailleur, d’une demande de prolongation de bail et d’autres droits du locataire dans le domaine de la protection contre les congés.

Ces dispositions offrent une protection spéciale pour le conjoint ou le partenaire enregistré non titulaire du bail dans leur faculté d’occuper le logement de la famille. En effet, ces règles spéciales servent tout particulièrement à protéger le conjoint ou le partenaire non titulaire du contrat de bail lors d’un congé donné par le locataire titulaire du bail (art. 266m CO) ou lors d’un congé donné par le bailleur (art. 266n CO)[1]. Par conséquent, « la double notification du congé exigée par l’article 266n CO a pour but de les protéger contre le risque de ne pas recevoir la notification et d’être ainsi privé de toute possibilité de s’opposer au congé ou de demander une prolongation du contrat de bail »[2].

Ces règles spéciales applicables au logement de la famille doivent également être respectées en cas de résiliation d’un bail à destination mixte[3], c’est-à-dire lorsque le logement de famille sert également de local commercial, sous réserve toutefois d’abus de droit. En effet, en doctrine, il est communément admis que lorsque l’objet loué sert à la fois de local commercial et de logement de famille, les locataires doivent bénéficier de la protection spéciale instituée par le législateur. Par conséquent, le fait que le logement en cause ait parallèlement une affectation professionnelle ne supprime pas son caractère familial[4].

La jurisprudence du Tribunal fédéral définit la notion de logement de la famille comme « celui dans lequel des époux mariés, ou des partenaires enregistrés, avec ou sans enfants, habitent et ont le centre de leur vie de famille ; le logement perd son caractère familial en cas de dissolution définitive du mariage ou du partenariat, ou lorsque les deux époux ou partenaires renoncent à considérer ce logement comme familial, ou lorsqu’ils l’ont quitté, ou encore lorsqu’ils ont décidé de son attribution définitive à l’un d’eux ; il perd également son caractère familial lorsque l’époux ou le partenaire bénéficiaire de la protection légale quitte, de son propre chef, le logement de manière définitive ou pour une durée indéterminée »[5].

Ainsi, les dispositions spéciales applicables aux locataires dans le cadre d’un logement de famille ne sont pertinentes qu’en cas de mariage ou de partenariat enregistré, avec ou sans enfant(s). Les membres de la communauté de vie non maritale, c’est-à-dire les conjoints non mariés ou non partenaires enregistrés ne bénéficient pas d’une protection particulière dans le domaine du bail à loyer. En effet, les règles protectrices adressées aux couples mariés ou aux partenaires enregistrés ne les concernent en règle générale pas. Le membre de la communauté de vie non maritale (contrairement à l’époux ou au partenaire enregistré) n’est pas protégé contre la résiliation du contrat de bail donnée par le conjoint titulaire du bail. Il ne peut pas non plus faire valoir des droits découlant du contrat de bail comme le ferait le conjoint ou le partenaire enregistré par exemple en contestant le congé donné par le bailleur ou en demandant la prolongation du bail[6].

En conclusion, lorsque la chose louée sert de logement de famille, un époux ne peut, sans le consentement exprès de son conjoint, ni résilier le bail (Art. 266m CO), ni aliéner la maison ou l’appartement familial, ni restreindre par d’autres actes juridiques les droits dont dépend le logement de la famille (art. 169 al.1 CC). De plus, aux termes de l’article 266n al. 1 CO, le congé donné par le bailleur doit être communiqué séparément au locataire et à son conjoint ou à son partenaire enregistré. « Par envoi séparé, il faut entendre l'expédition à chaque époux, sous deux plis distincts, de la formule officielle de congé prescrite par l’article 266l al. 2 CO »[7].

Il incombe toutefois au locataire d’informer le bailleur de sa situation familiale, en début comme en cours de bail. La doctrine estime que ce devoir est une obligation accessoire du locataire, dont le non-respect peut l’exposer au paiement de dommages-intérêts. En cours de bail, le locataire a le devoir d’informer le bailleur des modifications importantes qui peuvent avoir une influence sur l’existence du logement de la famille[8].

Finalement, si la partie qui donne le congé ne respecte pas les prescriptions de forme des articles 266l à 266n CO, le congé est nul (art. 266o CO)[9]. Ainsi, peu importe que la violation de la prescription de forme soit fautive ou non, ou que le bailleur, en signifiant le congé au seul conjoint locataire, ait été de bonne foi ou non. De même, le fait que le conjoint ou le partenaire non titulaire du bail a eu connaissance de la résiliation du bail n’est en aucune manière suffisant pour couvrir ce vice[10].

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[1] TF 4A_656/2010 du 6 janvier 2011.

[2] Arrêt 102 2019 131 du 19 juin 2019, IIe Cour d’appel civil du Canton de Fribourg, consid. 2.2.1.

[3] TF 4A_656/2010 du 6 janvier 2011 – Commentaire de Patricia Dietschy-Martenet (www.bail.ch).

[4] TF 4A_656/2010 du 6 janvier 2011 – Commentaire de Patricia Dietschy-Martenet (www.bail.ch).

[5] TF 4A_569/2017 du 27 avril 2018, consid. 5 ; ATF 139 III 7, consid. 2.3.1.

[6] Francesca Ranzanici Ciresa, La protection de la partie faible dans la communauté de vie non maritale, Stämpfli Verlag, 2019, p. 265.

[7] Arrêt 102 2019 131 du 19 juin 2019, IIe Cour d’appel civil du canton de Fribourg, consid. 2.2.1.

[8] TF 4A_673/2012 du 21 novembre 2012.

[9] TF 4A_125/2009 du 2 juin 2009, consid. 3.4.1.

[10] ACJC/539/2018 du 30 avril 2018, Cour de justice de Genève, consid. 3.1.3.

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