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Article 66a CP : expulsion obligatoire des criminels étrangers

L’art. 66a du Code pénal (CP) est entré en vigueur le 1 octobre 2016 et fait suite à l’adoption de l’art. 121 al. 3 à 6 de la Constitution fédérale (CST) relatif au renvoi des étrangers criminels. Le but de cette disposition a trait avant tout à la sécurité publique, il est d’empêcher que des personnes étrangères ne commettent de nouvelles infractions en Suisse.

Il contient une liste d’infractions qui entrainent une expulsion de Suisse. L’expulsion signifie que l’Etat impose de manière contraignante à une personne (sous menace d’exécution sous contrainte) de quitter le territoire. Elle est généralement complétée par une interdiction de retour. Ainsi, la personne qui commet l’une de ces infractions est expulsée du sol helvétique pour une durée de 5 à 15 ans. En cas de récidive, l’expulsion durera 20 ans (art. 66b al. 1 CP).

Cette liste est composée des infractions énoncées à l’art. 121 al. 3 let. a CST, complétée par d’autres infractions, principalement des crimes graves contre des biens juridiques déterminés, à savoir :

  • Des crimes graves contre la vie et l’intégrité corporelle (art. 66a al. 1 let. a et b CP) : meurtre (art. 111 CP), assassinat (art. 112 CP), meurtre passionnel (art. 113 CP), incitation et assistance au suicide (art. 115 CP), interruption de grossesse punissable (art. 118 al. 1 et 2 CP), lésions corporelles graves (art. 122 CP), mutilation d’organes génitaux féminins (art. 124 al. 1 CP), exposition (art. 127 CP), mise en danger de la vie d’autrui (art. 129 CP), agression (art. 134 CP) ;

  • Des crimes graves contre le patrimoine (art. 66a al. 1 let. c à f CP) : abus de confiance qualifié (art. 138, ch. 2 CP), vol qualifié (art. 139 ch. 2 et 3 CP), brigandage (art. 140 CP), escroquerie par métier (art. 146 al. 2 CP), utilisation frauduleuse d’un ordinateur par métier (art. 147 al. 2 CP), abus de carteschèques ou de cartes de crédit par métier (art. 148 al. 2 CP), extorsion et chantage qualifiés (art. 156 ch. 2 à 4 CP), usure par métier (art. 157 ch. 2 CP), recel par métier (art. 160 ch. 2 CP), vol (art. 139 CP) en lien avec une violation de domicile (art. 186 CP), escroquerie (art. 146 al. 1 CP) à une assurance sociale ou à l’aide sociale, obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale (art. 148a al. 1 CP), escroquerie (art. 146 al. 1 CP), escroquerie en matière de prestations et de contributions (art. 14 al. 1, 2 et 4, de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif), fraude fiscale, détournement de l’impôt à la source ou autre infraction en matière de contributions de droit public passible d’une peine privative de liberté maximale d’un an ou plus ;

  • Des crimes graves contre la liberté (art. 66a al. 1 let. g CP) : mariage forcé, partenariat forcé (art. 181a CP), traite d’êtres humains (art. 182 CP), séquestration et enlèvement (art. 183 CP), séquestration et enlèvement qualifiés (art. 184 CP), prise d’otage (art. 185 CP) ;

  • Des crimes graves contre l’intégrité sexuelle (art. 66a al. 1 let. h CP) : actes d’ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP), contrainte sexuelle (art. 189 CP), viol (art. 190 CP), actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP), encouragement à la prostitution (art. 195 CP), pornographie (art. 197 al. 4, 2e phrase CP) ;

  • Des crimes graves créant un danger collectif (art. 66a al. 1 let. i CP) : incendie intentionnel (art. 221 al. 1 et 2 CP), explosion intentionnelle (art. 223 ch. 1, al. 1 CP), emploi, avec dessein délictueux, d’explosifs ou de gaz toxiques (art. 224 al. 1 CP), emploi intentionnel sans dessein délictueux (art. 225 al. 1 CP), fabriquer, dissimuler et transporter des explosifs ou des gaz toxiques (art. 226 CP), danger imputable à l’énergie nucléaire, à la radioactivité et aux rayonnements ionisants (art. 226bis CP), actes préparatoires punissables (art. 226ter CP), inondation, écroulement causés intentionnellement (art. 227 ch. 1, al. 1 CP), dommages intentionnels aux installations électriques, travaux hydrauliques et ouvrages de protection (art. 228 ch. 1, al. 1 CP) ;

  • Des crimes ou délits contre la santé publique (art. 66a al. 1 let. j CP) : mise en danger intentionnelle par des organismes génétiquement modifiés ou pathogènes (art. 230bis al. 1 CP), propagation d’une maladie de l’homme (art. 231 ch. 1 CP), contamination intentionnelle d’eau potable (art. 234 al. 1 CP) ;

  • Des crimes ou délits contre les communications publiques (art. 66a al. 1 let. k CP) : entrave qualifiée de la circulation publique (art. 237 ch. 1, al. 2 CP), entrave intentionnelle au service des chemins de fer (art. 238 al. 1 CP) ;

  • Des crimes ou délits contre la paix publique (art. 66a al. 1 let. l CP) : actes préparatoires délictueux (art. 260bis al. 1 et 3 CP), participation ou soutien à une organisation criminelle (art. 260ter CP), mise en danger de la sécurité publique au moyen d’armes (art. 260quater CP), financement du terrorisme (art. 260quinquies CP) ;

  • Les génocides et crimes contre l’humanité (art. 66a al. 1 let. m CP) : génocide (art. 264 CP), crimes contre l’humanité (art. 264a CP), infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 1949 (art. 264c CP), autres crimes de guerre (art. 264d à 264h CP) ;

  • Art. 66a al. 1 let. n CP : infraction intentionnelle à l’art. 116 al. 3, ou 118 al. 3, de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers ;

  • Art. 66a al. 1 let. o CP : infraction à l’art. 19 al. 2 ou 20 al. 2, de la loi du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants

Une exception à l’expulsion figure à l’art. 66a al. 2 CP. Le juge peut exceptionnellement renoncer à expulser l’étranger lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :

  • L’expulsion met l'étranger dans une situation personnelle grave ;

  • Les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, le juge tiendra compte de la situation particulière de l’étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.

La loi ne donne pas d’indication quant à la manière d’interpréter une « situation personnelle grave » et sur les critères à prendre en compte dans la pesée des intérêts. Ainsi, la doctrine préconise généralement de s’inspirer des critères énoncés à l’art. 31 de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA). Aux termes de cette disposition, une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. Elle commande de tenir compte notamment de l'intégration du requérant, du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant, de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation, de la durée de la présence en Suisse, de l'état de santé ainsi que des possibilités de réintégration dans l'Etat de provenance. Le juge devra également tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné (ATF 144 IV 332, consid. 3.3.2).

En dernier lieu, le juge doit tenir compte de la situation particulière de l’étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse. L’intensité des liens de l’étranger avec la Suisse et les difficultés de réintégration dans son pays d’origine sont à prendre en considération. Il convient de noter qu’en toute hypothèse, l'étranger qui est né ou a grandi en Suisse dispose d'un intérêt privé important à rester en Suisse, dont il est important de tenir compte lors de la pesée des intérêts (ATF 144 IV 332, consid. 3.3.3).

A titre d’exemple, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution (art. 13 CST) et par le droit international, en particulier l’art. 8 CEDH (TF 6B_143/2019 du 6 mars 2019, consid. 3.3.1).

On peut aussi supposer que, selon l'état de santé de l'intéressé et les prestations de soins disponibles dans l'Etat d'origine, l'expulsion du territoire suisse pourrait le placer dans une situation personnelle grave au sens de l'art. 66a al. 2 CP ou être disproportionnée sous l'angle de l'art. 8 par. 2 CEDH (ATF 145 IV 455, consid. 9).

Si vous désirez obtenir de plus amples informations à ce sujet, la Consultation juridique du Valentin sera ravie de vous accueillir dans nos locaux à la rue du Valentin 1, 1004 Lausanne, afin de répondre à vos éventuelles questions. Nous sommes également joignables par téléphone au 021 351 30 00 et par courriel à l’adresse info@cjdv.ch.

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